Portrait d’un groupe engagé :

Massilia Sound System est un groupe de « rub a dub », mode d’expression proche du rap, dont les racines se trouvent en Jamaïque. Ils font leurs premiers pas en 1984. Leur nom est une fusion entre leur origine marseillaise (Massilia veut dire Marseille en latin) et leur culture musicale qui tourne essentiellement autour du reggae (Sound System veut dire sono ambulante en Jamaïque). Les trois fondateurs sont Tatou, compositeur et improvisateur de choc sur scène ; Jali, tchatcheur d’origine sicilienne pour qui les mots se débitent plus qu’ils ne se disent et Goatari, homme du son et des machines.
C’est en s’apercevant que les rastas jamaïcains chantaient un mélange d’anglais et de patois local que ces fadas de reggae ont eu l’idée d’ajouter de l’occitan à leurs textes en français. Mais ce qui aurait pu n’être qu’un gimmick exotique était en fait une véritable profession de foi pour ces natifs de Marseille à l’inspiration gorgée de soleil et d’huile d’olive.
La région provençale et ses attributs ne sont plus que des symboles identitaires propres à réunir des hommes et à enrichir leurs moyens de communication vers l’extérieur. Reprenant une tradition de troubadours chère à la culture méditerranéenne, ils utilisent la joute verbale en langue provençale et chroniquent ainsi la vie de leur cité. Ce patois local leur permet d’affirmer leur identité.
20 ans maintenant, que ces agitateurs font monter l’aïoli. Tout comme leurs cousins toulousains des Fabulous Trobadors, les Massilia Sound System donnent du goût à une chanson française dont la mainmise parisienne est souvent bien fade. A l’origine, Goatari, Jali et Tatou montent leur groupe et animent des Sound System dans Marseille. De fêtes de quartier en fêtes de villages, ces baladins atterrissent à Toulouse en 1987. Ils y croisent les Fabulous Troubadors, s’associent et fondent Roker Promocion avec laquelle ils publient leur première cassette en 1989. A cette époque Lux Botté, Gari Grèu et Janvié viennent les rejoindre. Avec cette formation, ils sortent des frontières occitanes et enflamment les scènes de tout le pays adeptes de ce raggamuffin occitan. En novembre 1991, une maquette est prête. Un CD peut donc sortir. L’album s’appelle « Parla Patois » et profite d’une diffusion nationale. Le résultat est gai, plein d’humour et on y vante le PIIM, un « parti indépendantiste internationaliste marseillais » invention délirante de la bande. On y parle aussi football, fêtes en tout genre, et vie de quartier.
Souvent offensifs, les Massilia défendent une certaine idée de la cité phocéenne, même s’ils reconnaissent à contrecœur que tous les Marseillais ne partagent pas leurs idées. Leur énergie est grande et leur message à la jeune génération quasi politique. Leur mot d’ordre pourrait être : allons de l’avant et forçons les choses.
Après quelques voyages, en Inde et en Afrique, leur musique s’offre un léger dépaysement, mais peu enclins à un retournement radical de leurs positions, Massilia Sound System sert une cuisine familiale qui sent bon le sud de la France, avec simplement quelques épices importées des quatre coins du monde.
Au printemps 98, Massilia quitte Vitrolles pour cause d’incompatibilité politique avec la nouvelle mairie d’extrême droite et s’installe à La Ciotat. Collectif quasi familial, le réseau Massilia investit une maison au milieu des oliviers. Fêtes impromptues, concours de pétanque ou ateliers d’écriture pour rappeurs, dans une effervescence conviviale, ils offrent un lieu propice à la création pour tous les jeunes artistes de la région.
Reggae, ragga, tchatche sont à jamais les éléments constitutifs de leur répertoire, le tout sur des textes joyeux et engagés à la fois.
Entre délire et conscience politique et sociale, les Massilia Sound System œuvrent pour un mouvement musical pluriculturel, espérant que cela pourra un jour s’appliquer aussi à la société dans son ensemble.


Discographie

• Rude et souple (démo K7)
• Vive le PIIM (démo K7)
• Parla Patois (1992)
• Chourmo (1993)
• Commando Fada (1995)
• On met le òai partout (live, non réédité), 1996)
• Aïolliwood (1997)
• Marseille London Experience (1999)
• 3968 CR 13 (2000)
• Occitanista (2002)
• Massilia fait tourner (live, 2004)
• Un album en cours d’enregistrement sortira l’automne 2007


Membres du Groupe

• Jali : MC
• Tatou : MC
• Gari Greu : MC
• Lux B : MC
• DJ Kayalik : DJ, compositeur
• Janvié : Keyboards
• Blù : Guitare
• Goatari : DJ, claviers, boîte à rythmes (Ancien membre)


Une chanson virulente aux propos dénonciateurs :

De retour d’un voyage en Inde, les Massilia Sound System concoctent un nouvel album intitulé « Aïollywood » en référence à « Bollywood » le Hollywood indien. Ils y découvrent que la musique de film a une place prépondérante et se plaisent à imaginer un doux mélange entre leur ragga et ce folklore si lointain. « Ma ville est malade » se trouve dans cet album.
A travers un son rap teinté d’orient, Massilia Sound System revendique dans « Ma ville est malade » le fait que les immigrants font partie intégrante de la ville de Marseille et qu’ils sont rejetés par le Front National. Marseille est un port, ou plutôt une porte, d’entrée pour les immigrants, de sortie pour ceux qui fuient leur ville « malade ». Accepter les immigrés fut aisé au début, mais depuis une vingtaine d’années le Front National remet les valeurs hospitalières de la France en question, ce qui pose problème à Massilia Sound System. Ils dénoncent cette politique outrageante pour la France, surtout pour le Sud méditerranéen : « La Provence a des valeurs, j’ai dit l’hospitalité ». A travers ces propos virulents, ils posent la question de l’identité des Marseillais : ils ne peuvent pas, moralement parlant, rejeter les leurs, ceux qui ont fondé leur ville, et qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui : un brassage merveilleux de cultures, de langues et d’épices venues de partout. Massilia cherche à créer une prise de conscience de la population, même s’ils savent que politiquement rien ne pourra changer. Cette prise de conscience, dans un contexte politique pénible, s’organise grâce à des actions folkloriques au niveau local, comme un concours de pétanque ou un loto, car chacun peut se sentir au même niveau, la solidarité peut faire changer les choses dans la tête des gens, et tous les mettre sur le même pied d’égalité, noirs ou blancs. Massilia a dit dans une interview : « On va faire un loto parce que tout le monde sait y jouer. La mamie, comme le jeune, sait qu’il faut poser le haricot sur le numéro 3 : les différences de capacité disparaissent et quelque chose peut se déclencher entre eux. D’un seul coup, tout le monde habite au même endroit, alors que jusqu’à présent, chacun était sur une planète différente. Ces actions-là sont payantes. Dans ce cadre, chacun se rend compte qu’il a des idées (…) C’est comme aller au stade. À Marseille, c’est le seul lieu vraiment folklorique qui existe. Tout le monde est capable de crier « Allez l’OM ! », le chauffeur de taxi, le petit minot des quartiers nord, le médecin, etc. Ces gens ne se voient peut-être qu’au stade, mais finalement ils se côtoient. Ça peut paraître dérisoire, mais ça ne l’est pas tant que ça, parce que c’est de la vie.»
Les Marseillais, réunis devant leur culture et les mêmes choses qui les touchent tous, deviennent une équipe dans le rêve de Massilia Sound System, et chacun trouve sa place, et la garde !


MA VILLE EST MALADE

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.

La grande ville, où je suis né,
Appelée Marseille par les Français
Porte de l’Afrique dès l’antiquité
Elle fut construite par des immigrés
Depuis bien longtemps elle vit en paix
Dans le respect de toutes les communautés
Mais depuis dix ans, dans la tête des gens,
De drôles d’idées commencent à germer.

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.
Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.

Il y a des Arméniens, il y a des Algériens,
Il y a des Tunisiens, il y a des Italiens,
Il y a des Marocains, il y a des Comoriens
Ici se trouve rassemblé presque tout le genre humain
La cité a été bâtie grâce à ces millions de mains
Tout le monde vit sa vie et beaucoup s’y trouvent bien
La culture de ce pays qu’on appelle Occitanie
A toujours su intégrer les gens de tous les pays
Vous n’êtes pas obligés de croire tout ce que je dis
Mais je reprends mon argument, je développe, je poursuis.

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.
Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.

Les gens venus de partout qu’on appelle immigrants
Nous en avons pour voisins, certains sont nos grands-parents
Ils font leur bout de chemin et un jour ont des enfants
D’adorables chérubins avec leurs jolies mamans
Mais vous savez, les enfants ça va toujours grandissant
Et voilà qu’un beau matin le bambin fête ses trois ans
Il va nous parler enfin, toute la famille attend
Il ménage son effet, en fait il prend tout son temps
Il ouvre la bouche et dit, «maman j’ai faim» avec l’accent
Et pourtant…

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.
Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.

Tous les samedis au Stade Vélodrome
Tous les supporters s’écrient comme un seul homme
« Allez l’O.M.! On est tous avec toi
Allez l’O.M.! Les Marseillais seront toujours là ! »
Pour qu’une équipe fonctionne, il faut qu’elle soit soudée
Et ça je crois bien que personne ne peut le contester
Le jeu ouvert c’est bien mieux que de s’enfermer
Si c’est pas clair degun ne peut s’y retrouver.
Monsieur le Maire c’est à vous que je viens parler
C’est d’un repère dont ont besoin les Marseillais
Respirez l’air je crois bien qu’il est pollué
Dos à la mer nous ne pouvons plus reculer
Alors lançons un grand débat parlons d’identité
Montrons à tous ces pébrons que nous savons ce que c’est
La Provence a des valeurs, j’ai dit l’hospitalité
Oublions le doute et la peur c’est de l’avant qu’il faut aller.
Et pourtant…

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.
Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.

1e, 2e, 3e, 4e génération
Nous avons tous grandi autour du même Lacydon
1e, 2e, 3e, 4e génération
Nous allons tous au stade chanter les mêmes chansons
1e, 2e, 3e, 4e génération
Marseille a des problème
s, ensemble on a les solutions
1e, 2e, 3e, 4e génération

Si l’on aime notre ville, ensemble disons non au Front.
Si l’on aime notre ville, ensemble disons non au Front.
Si l’on aime notre ville, ensemble disons non au Front.
Si l’on aime notre ville, ensemble disons NON !

Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.
Ma ville tremble, ma ville est malade
De Bonneveine jusqu’aux Aygalades.